Work in progress, Thierry Balesdans, Rencontres d'Art Contemporain Editions

Texts by Thierry Balesdans for the exhibition catalogue Take the landscape with you

Light pool, 2012, oil and alkyd on canvas, 210 x 280 cm. Collection CNAP.

Art is as important to the person making the work as to the work itself.                                                                                  

The challenge of this edition is both to raise the issue of the work without straying from the issue of the artist, and to manage, through its particular story, to dovetail the ambiguity and ambition of man in his artistic creation. The first title is devoted to Duncan Wylie. Through touches and strata, the artist defies figuration and draws us into a place where the visible floats elusively, between this side of the image and its far side. Out of this initial chaos, and this primordial hurly-burly, “a dancing star” comes into being, as Nietzsche said. A star that will pull the reader into the heart of the story of Duncan Wylie and his painting, to the heart of a journey that starts out from Zimbabwe and, through these pages, lets us in on the different phases in the creation of a work. A very human process which makes art something irreplaceable.                                                                                 

 

Work in progress

Is it not with a guilty conscience that we surprise ourselves nowadays in remembering that, in painting, it all depends on the way we look at things? Duncan Wylie’s conceptual construction comes earlier, before painting. He reflects and reasons, but once the work has begun the eye dominates, and intuition alone is its core. Before us, a canvas with a pink ground and vertical lines. A ruin in an almost abstract composition, the first stage of the work in progress...you feel the canvas move. 

The colour hits the canvas to set down movement of intense life. Space and void work their way, almost by breaking and entering, into forms which seem to shift along hazardous trajectories. We start to recognise something like the façade of a building. The pink becomes blue. Then figurative elements come into being, taken from the real world, intervening in the formation of a meaningful whole. They float in superposition, in space, like the signs of a riddle - playing the leading role in a scene enacted essentially between the painter and oneself. 

We get it, the shapeless shapes, the impossible hues, the dislocated architecture. Take it or leave it. The canvas that reveals itself to us seems to emerge beyond the medium, through the very fact of the painting innocent as a culprit can be, once his crime committed. Duncan has coined a singular and very personal language, supple and alive, a figurative language that proceeds through transparency and depth, by contrast and paradox, where reason and instinct mingle.

We follow the image, like a film. The gesture with the frenzied colourful effervescence of the beginning becomes calm, on the surface. The development of the painting takes place. It started with the coloured trace of gesture, potent with curious power to create the “ imagery ”. Everything finishes with this imperative of survival that arouses you: Creating a painting. This almost childish pleasure: a share of truth, transmutation, then the finished work.

What does the picture show ? A form in its centre, which seems to float, a ruin, an entanglement which is released from the canvas, freeing itself through a hypothetical force of this latter’s limits. In the background, transparent almost invisible shadows jostle the composition. As if a human presence were underscoring their absence. Duncan Wylie highlights the many different actions which summon the eye. Transposed in the simplicity of a statement: Has the city not become the most natural of sets for us ? “ Take the landscape with you ”, it says to us, a witness perhaps of the avowal of our powerlessness. Aesthetic sublimation of the explosion shedding light on affects and wounds. It urges us to question, underlines the urgency of a necessary reconstruction, brakes the headlong rush so that man can re-find his bearings in the tumult.

The fiction of the urban paradise is in smithereens. Here you are in bits and pieces. Worse, the bits of your deepest ego, the ego of your history, escape.

Now, your soul undone, you go astray : the place of your identity - your cohesion - is in fragments like a broken mirror. “ Chaos is appearance, order is backdrop ”, said Victor Hugo ; Duncan Wylie’s painting reveals form from chaos.

“ Light Pool ” is the title of the canvas presented hereinafter. Light acts and this is perhaps the real nature of his painting. Life regains ground because the place of fragmentation has become, as if by magic, the visible and possible space of reconstruction. The painter, like all people, does not always know what awaits him.

Thierry Balesdens

 

Original french text :

L’art, c’est autant d’importance à l’homme qui fait l’œuvre qu’à l’œuvre elle-même.

L’enjeu de cette collection est de poser la question de l’œuvre sans se détacher de la question de l’artiste, d’arriver à croiser, par son histoire singulière, l’ambiguïté et l’ambition de l’homme dans sa création artistique. Le premier titre est consacré à Duncan Wylie. Par touches, strates, l’artiste nous entraîne, défiant l’ordre de la figuration, dans un lieu où le visible flotte, insaisissable, entre un deçà et un au-delà de l’image. De ce chaos initial, de ce TohuBohu primordial naît, comme le dit Nietzsche «  une étoile qui danse». Une étoile qui va entraîner le lecteur au cœur de l’histoire de Duncan Wylie et de sa peinture, au cœur d’un voyage qui part du Zimbabwe pour nous livrer au fil des pages, les différentes étapes de la création d’une œuvre. Un processus terriblement humain qui fait de l’art quelque chose d’irremplaçable.

 

Work in progress

N’est-ce pas avec une conscience coupable qu’on se surprend aujourd’hui à se rappeler que, dans la peinture, tout vient du regard? 

La construction conceptuelle de Duncan Wylie vient en amont, avant de peindre. Il réfléchit et raisonne mais le travail commencé, le regard domine, l’intuition, seule, en est le cœur. Devant nous, une toile, fond rose et lignes verticales. Une ruine en composition presque abstraite, première étape du travail en cours… On sent la toile bouger.

La couleur se jette sur la toile pour concrétiser les mouvements d’une vie intense. De l’espace et du vide, s’insinuent, presque par effraction, des formes qui semblent se déplacer selon des trajectoires hasardeuses. On commence à reconnaître comme la façade d’un immeuble. Le rose devient bleu. Un peu plus loin naissent des éléments figuratifs prélevés dans le monde réel qui interviennent dans la constitution d’un ensemble signifiant. Ils flottent en superposition, dans l’espace, comme les signes d’un rébus - premier rôle d’une scène qui se joue essentiellement entre le peintre et soi. On comprend – les formes informes, les couleurs impossibles, l’architecture désarticulée. 

C’est ainsi ! La toile qui se révèle à nous semble émerger par delà le médium, par le fait même de la peinture – innocente comme peut l’être un coupable son forfait accompli.

Duncan s’est forgé un langage singulier et foncièrement personnel, souple, vivant - langage figuré qui procède par transparence et épaisseur - fait de contraste et paradoxe où se mêlent la raison et l’instinct.

On suit l’image, comme un film. Le geste avec l’effervescence chromatique fébrile du départ devient calme, en surface. Le dévoilement de la peinture s’opère. Tout a commencé par la trace colorée d’un geste, dans ce curieux pouvoir qu’il a de faire «  image» et tout fini par cet impératif de survie qui vous réveille : Faire œuvre. Ce plaisir presque enfantin : une part de vérité, la transmutation, l’œuvre achevée. 

Que montre le tableau ? Une forme en son centre, qui semble flotter, une ruine, un enchevêtrement qui se dégage de la toile, se libérant par une hypothétique force des limites de celle-ci. En fond, transparents, des ombres presque invisibles qui bousculent la composition.  Comme si cette présence humaine soulignait leur absence. Duncan Wylie met en évidence les actions multiples qui requièrent le regard. Et cela dans la simplicité d’un constat: La ville ne nous est-elle pas devenue le plus naturel des décors ?

«  Take the landscape with you» nous dit-il, témoin, peut-être de l’aveu de notre impuissance. Sublimation esthétique de l’éclatement mettant en lumières les affects et les blessures. Il nous incite à l’interrogation, souligne l’urgence de la nécessaire reconstruction, freine la fuite en avant afin que l’homme retrouve ses repères dans le tumulte. La fiction du paradis urbain a volé en éclat. Vous voilà en morceaux.

Pire, les morceaux de votre moi le plus profond, celui de votre histoire, s’échappent. Dès lors, vous vous perdez: le lieu de votre identité, de votre cohésion se morcelle comme un miroir brisé. «  Le chaos est l’apparence, l’ordre est au fond» dit Victor Hugo, il prend forme et la peinture de Duncan Wylie le révèle. 

« Light Pool » est le titre de la toile présentée ci-après. La lumière agit, et c’est peut-être cela la véritable nature de sa peinture. La vie regagne du terrain car le lieu du morcellement est devenu comme par magie l’espace visible et possible de la reconstruction. 

Le peintre, ainsi que tout homme, ne sait pas toujours ce qui l’attend.                                                                          

 

Thierry Balesdens